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Comment redécouper l’Afrique ?

par Bernard Lugan
(31 mai 1995)
Véritables "pièges à peuples", les frontières héritées de la colonisation avaient pour finalité de faciliter la fusion de ces derniers.
Les problèmes posés par ces frontières sont essentiellement de deux sortes :
1. Obligation de vie en commun imposée à des ethnies antagonistes au sein d’ensembles artificiels ;
2. Morcellement d’un ou de plusieurs peuples fractionnée par des tracés internationalement reconnus.
Un examen attentif de la réalité africaine montre cependant que les conflits interétatiques ayant pour origine les frontières héritées de la colonisation sont peu nombreux. Les principaux sont celui des Touaregs, population éclatée entre le Niger, le Mali, le Burkina, l’Algérie, la Libye et le Nigeria. N’oublions pas non plus la grande injustice dont le Maroc est victime en ce qui concerne non seulement la partie du Sahara qui lui appartient historiquement et que la France rattacha tout à fait artificiellement à l’Algérie, mais également la région de Tindouf qui a toujours incontestablement fait partie intégrante du royaume chérifien.
Redécouper les frontières, certes, mais au coup par coup, car il serait irresponsable de vouloir prétendre créer 2 000 "Etats" afin de tenter de faire coïncider carte ethnique et carte politique. De plus, il existe une nouvelle ethnie en Afrique, celle des urbanisés.
Où intégrer ces déracinés ?
En revanche, plusieurs grands Etats artificiels existent au sein desquels "cohabitent" plusieurs grandes ethnies ayant de larges assises territoriales et dont l’antagonisme interdit toute évolution vers l’Etat-Nation. Dans ce cas, la partition semble la seule solution. Ainsi, notamment, en Angola, au Zaïre et demain en Afrique du Sud.
L’indépendance de l’Erythrée, qui s’est détachée de l’Ethiopie après une partition opérée en 1993, a débloqué la question. Le tabou de l’intangibilité des frontières africaines étant tombé, il est donc désormais possible de réfléchir au redécoupage de l’Afrique afin d’y respecter une plus grande cohérence ethnique.
Si, comme nous l’avons vu, il serait irréaliste de vouloir donner son "Etat", ou sa façon "d’Etat", à chacune des 2 000 ethnies africaines, il serait en revanche possible, dans certains cas, de proposer un redécoupage centré sur un peuple dominant autour duquel graviteraient des peuples minoritaires n’ayant pas vocation à constituer des "Etats" indépendants.
Nous pouvons à cet égard distinguer trois grands cas que nous illustrerons au moyen de propositions frontalières cartographiées.
1. La partition d’un Etat entre ses composantes ethniques ou raciales afin de donner naissance à plusieurs nouveaux "Etats". Ne sont concernés que des Etats vastes géographiquement dans lesquels cohabitent d’une manière conflictuelle de grandes ethnies qui s’équilibrent démographiquement et qui sont largement installées sur des bases territoriales traditionnelles. Il s’agit de l’Afrique du Sud, de l’Angola, du Mozambique, du Cameroun, du Tchad, du Soudan, du Zaïre, du Nigeria et de l’Ethiopie qui a donné l’exemple avec l’indépendance de l’Erythrée.
2. La partition de deux ou de plusieurs Etats afin qu’une ou plusieurs populations puissent être regroupées en un nouvel Etat ou qu’elles soient incorporées à d’autres Etats existants. Il s’agit des Touaregs, qui, pour avoir leur propre Etat, doivent voir démembrer l’Algérie, le Mali, le Niger et peut-être également le Burkina-Faso. Il s’agit également de Djibouti.
3. Les petits Etats composés de multiples ethnies antagonistes et dans lesquels il est impossible de diviser l’espace sous peine de créer des confettis politiques. Ici, deux solutions sont envisageables : soit laisser les éventuels équilibres se faire avec la loi du plus fort, soit séparer les ethnies ataviquement antagonistes en les rattachant aux blocs ethniques apparentés des pays limitrophes. Mais, pour cela, il sera nécessaire de rayer de la carte des pays internationalement reconnus. Le meilleur exemple est celui du Liberia.
(Fin)
Texte publié dans Le Libre Journal n°69.

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